Saturday, October 31, 2015

La fondation de la Famille de la Sainte-Trinité (1/2)

Mère Mariam

Père Thomas (Bitar) avec Mère Mariam (Zacca) 
au Monastère Saint Jean-Baptiste, Douma - Liban.
   C'était durant la guerre libanaise (1975- 1992), en 1983, à Furn-el-Cheback, dans une paroisse de la banlieue de Beyrouth, très fréquentée, notamment par des jeunes, malgré sa proximité des lignes de feu séparant un quartier chrétien d'un quartier musulman. C'était à Saint-Antoine-le-Grand, église que Mgr Georges [Khodr] avait confiée à l'Archimandrite Issam Bitar (Père Thomas) et à deux prêtres auxiliaires. M. Tony Khoury, alors Secrétaire Général du Mouvement de la Jeunesse Orthodoxe (M.J.O.), avait demandé à Houda Zakka (Mère Mariam) de travailler à étendre le mouvement dans cette paroisse, ce qu'elle accepta de faire. Peu à peu, par la grâce de Dieu et la bénédiction de Mgr Georges, grâce à la ferveur et au travail du Père Issam, des prêtres auxiliaires et de Houda Zakka (Mère Mariam), le mouvement grandit à Saint-Antoine-le-Grand : plus de soixante-dix enfants, et de cent cinquante à deux cents jeunes. Ceux-ci, en trois groupes: les élèves des classes secondaires, les étudiants universitaires et les travailleurs.
   Toute la communauté de l'église de Saint-Antoine-le-Grand participait à la Divine Liturgie tous les mercredis, samedis et dimanches. Les samedis, jours bien remplis, d'abord la Divine Liturgie, puis, encore l'avant-midi, les activités des enfants; après les Vêpres, tous les groupes de jeunes tenaient leurs réunions: études de la sainte Bible, des livres des Pères, de livres de doctrine et de la liturgie. Bientôt, il y eut les Matines tous les jours.
   La renaissance spirituelle s'accomplit par la confession, les-sermons du Père Issam (Père Thomas), sa direction spirituelle et celle de Houda Zakka (Mère Mariam). Pour enrichir la vie spirituelle, on fréquenta les monastères: rarement Saint-Georges de Deir- El- Harf (une région au Haut Metn du Mont-Liban), à cause de la difficulté du trajet qu'imposaient les événements; le plus souvent Saint- Michel à Bakaata (au Metn du Mont-Liban). C'est là que s'est formé le noyau de la future communauté monastique de la Famille de la Sainte Trinité (Monastère Saint-Silouane-l'Athonite pour les moines, Monastère Saint-Jean-Baptiste pour les moniales). Au mois d'août, le Père Issam et les frères venaient passer un temps de prière, de vie spirituelle et de travail au Monastère Saint Michel. Et Houda Zakka (Mère Mariam)  amenait avec elle trois ou quatre sœurs pour vivre la même expérience dans une maisonnette-skite, au voisinage du monastère.
   À Saint-Antoine-le-Grand, parallèlement à la vie spirituelle, se développait l'assistance des pauvres et des veuves, le secours aux personnes déplacées à cause de la guerre. Secours le plus souvent prodigués sous les bombardements et le tir des francs-tireurs. Aide fournie par l'évêché et les associations humanitaires internationales. Ces années furent sévères, faites de peur de l'inconnu, du défi de survivre. Années cependant pleines de la bénédiction et de la protection de Dieu.
Mère Mariam remet au Père Sophrony la traduction arabe du livre
"Voir Dieu tel qu'Il est".
   En automne 1986, Houda Zakka (Mère Mariam), porteuse d'une lettre d'introduction de Mgr Georges, vient rencontrer le Père Sophrony à Essex pour obtenir la permission de traduire son livre "Sa vie est la mienne". À la fin de la rencontre, qui s'est prolongée beaucoup plus que prévu, le Père Sophrony demande à Houda de traduire non "Sa vie est la mienne", mais "Voir Dieu tel qu'Il est". Stupéfaite, troublée, Houda répond: "C'est difficile pour moi de traduire votre biographie spirituelle", mais le Père Sophrony réplique, avec un sourire venu de l'au-delà : "Moi, je prierai pour toi, et tu traduiras avec l'aide du Saint- Esprit".
   Cette rencontre changea non seulement la vie de Houda (Mère Mariam), mais aussi celle du Père Issam (Père Thomas) et des frères et sœurs qui s'étaient rassemblés autour d'eux.
   En 1987, Houda (Mère Mariam) remet au Père So­phrony le manuscrit du livre traduit en arabe. Elle lui confie son angoisse : "il me reste un vide à l'intérieur; je ne suis pas rassasiée, malgré ma vie à l'église, malgré mon travail au M.J .0 ... Je ne suis pas en paix ... Qu'est-ce que je dois faire?!...". Le Père Sophrony répond: "Rentrons en jeûne et en prière pour une quinzaine de jours, afin de connaître la volonté de Dieu ...".
Mère Mariam reçoit le Grand Schème.
   Au dixième jour, Houda (Mère Mariam) est à "Dairy", une maisonnette pour les femmes, à côté du Monastère de Maldon, quand elle perçoit une voix intérieure qui lui dit : "Tu vas être moniale", Tout s'arrête. Elle court au monastère, frappe à la porte de "Amber Gate", l'ermitage du Père Sophrony. Il était derrière son bureau, à la cuisine. Elle reprend son souffle et lui dit : "Moi, moniale ?!". Et il lui répond, avec ses grands yeux larmoyants : "Oui! Tu as bien entendu la voix". Houda sursaute et dit: "Où? Ici? Chez vous?". "Non, vous devez retourner dans votre pays ; vous avez une grande tâche à accomplir, un lourd fardeau à prendre sur vos épaules."
   Un an et demi après, en 1989, elle retourne chez le Père Sophrony pour lui apporter "Voir Dieu tel qu’il est"  imprimé en langue arabe. Elle reste alors six mois au monastère, où elle traduit le second pôle des écrits du Père Sophrony, le livre de Saint Silouane.
Père Thomas reçoit le Petit Schème.
   Le 24 mai 1989, Houda (Mère Mariam) reçoit le rasophore du Père Sophrony et, la nuit du 5 au 6 août 1990, la veille de la fête de la Transfiguration, le Père Sophrony lui donne le petit schème et le nom de Mariam (pour fêter la Nativité de la Mère de Dieu le 8 septembre). La nuit du 6 au 7 août, il donne, de même, à l'Archimandrite  (Père Thomas), qui a passé quarante jours au monastère, le petit schème et le nom de Thomas.
   Après leur profession monastique, ils passent quarante jours au monastère Saint Jean Baptiste d'Essex et reviennent au Liban en passant par la Grèce, où ils font, à Karéas (Athènes), la connaissance des sœurs du couvent Saint Jean-Bap­tiste, dont le Père Sophrony leur a parlé.
Monastère Saint Jean-Baptiste au début des années 90
du siècle dernier.
   Avant de venir en Angleterre, le futur Père Thomas, sur la foi de la parole donnée par le Père Sophrony et avec la bénédiction de Mgr Georges, avait cherché un monastère où pourrait s'établir le petit groupe. Mais, à cause de la guerre, c'était d'une grande difficulté. Houda (Mère Mariam)  s'était ouverte de ce souci au Père Sophrony qui, comme d'habitude, garda un grand silence et dit : "N'ayez pas peur, nous allons prier" ... Quelques jours de prière passèrent, et le Père Issam (Père Thomas) téléphona à Maldon pour annoncer à Houda, qui le répéta aussitôt au Père Sophrony : "Mgr Geor­ges nous a donné le Monastère de Saint Jean -Baptiste à Douma". Le Père Sophrony sourit et dit : "Je vous ai donné ce que j'ai ... Saint ­Jean-Baptiste"…
   Saint Jean-Baptiste vivra donc dans un trio de lieux: à Maldon- Essex, à Karéas-Athè­nes et à Douma-Liban.
   Durant leur séjour à Maldon, le Père Thomas et Mère Mariam rencontrèrent le Père Sophrony tous les samedis après-midi pendant près d'une heure. Le Père Sophrony les a assurés de l'avenir de leur vie monastique et du fondement de la communauté. Ils ont tout choisi ensemble; le nom de La Famille de la Sainte Trinité et le nom du monastère des frères, Saint Silouane l'Athonite.
   C'est ainsi que, munis des biens spirituels et matériels reçus de la communauté de Maldon, le Père Thomas et Mère Mariam s'en retournèrent pour mettre à exécution le projet de La Famille de la Sainte Trinité. Ils firent une halte en Grèce, au couvent de Saint Jean-Baptiste à Karéas (Athènes), pendant deux semaines. Ils visitèrent plusieurs monastères et couvents et y vécurent la prière et le mode de vie de diverses communautés. Ils passèrent aussi à Saint Nectaire, à Egine, où ils vénérèrent les reliques du Saint afin d'obtenir son intercession et de recevoir par lui la force nécessaire à leurs débuts monastiques. Avant ils passent chez Père (Saint) Porphyrios avec leur ami Dr. Georges Papazachou, le médecin du Saint Père… Il les bénit en leur disant à eux deux : "Je prierai pour qu’un ange reste sur le toit de votre monastère pour le garder de tout mal". Puis ce fut le retour au Liban, le pays de leur vie, qui fut pays de la mort durant la longue guerre civile, qui dura jusqu'en 1992 ...
Monastère Saint Silouan L'Athonite au début des années 90
du siècle dernier.
   À Karéas, Mère Mariam avait demandé une parole de vie à un père spirituel qui était là-bas à ce moment-là. Sa réponse fut un triple "Acceptez, acceptez, acceptez ... ". "Ac­ceptez quoi ?...", murmura Mère Mariam. "Acceptez tout ... ". Ces mêmes mots, exactement, lui seront répétés deux ans plus tard lorsque, repassant par Karéas - elle venait de Maldon où elle avait apporté au Père Sophrony le livre de Saint Silouane imprimé en arabe et le manuscrit de la traduction du livre "La Prière, expérience de l'Eternité", et elle y avait reçu, dernière bénédiction spirituelle pour sa vie monastique, le grand schème des mains du Père Sophrony, elle rencontra le même père spirituel (Père moine Antonios Romeos) et s'entendit répondre, à la même question: "Acceptez ... ".
   Arrivés à l'aéroport de Beyrouth sous les bombardements, le Père Thomas et Mère Mariam se réfugièrent chacun dans la maison de leurs parents. Et il fallut attendre près d'un mois pour qu'un grand camion Scania tout rempli de meubles, de fournitures, de livres, d'objets ecclésiastiques, se dirige vers le monastère Saint Jean-Baptiste à Douma. Le Père Thomas et Mère Mariam, accompagnés de cinq sœurs, arrivèrent à Douma le 30 octobre 1990 pour entamer le long chemin de leur vie monastique. À Douma, un frère les attendait. Il était là-haut depuis un mois, réparant les fenêtres et les portes cassées, car ce très ancien monastère, abandonné et en ruines pour sa plus grande part, avait été occupé durant une douzaine d'années de guerre civile par une milice libanaise chrétienne.
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