Saturday, October 28, 2017

La prière, baromètre de notre vie spirituelle.
Père Boris Kholtchev, confesseur de l’époque Soviétique.


   
Le père Boris disait que si la vie spirituelle est la vie avec Dieu et selon Dieu, la prière en est le baromètre :
    Chacun de nous peut, d'après l'état de sa prière, savoir à quel degré de vie spirituelle il se trouve, quelle est la profondeur et la hauteur de sa vie spirituelle.
    Maintenant, lorsque nous rencontrons quelqu'un nous demandons: «Comment va ta santé?» Les premiers chrétiens demandaient: « Comment va ta prière? »
    Ils savaient que là était l'essentiel. Si la prière se refroidit, alors la vie est troublée, la proximité avec Dieu est perdue.
    Le père Boris rappelait, en suivant la tradition orthodoxe, qu'il existe trois degrés de prière: la prière des lèvres, la prière de l'intellect et la prière du cœur.
    Au troisième degré de prière, la grâce de Dieu recouvre le cœur, les yeux spirituels du cœur s'ouvrent et tout l'être est rempli d'un état de grâce.
    Alors l'homme est uni à Dieu. Et, étant uni à Dieu, il reçoit la force de dominer ses passions. Il n'est possible d'atteindre ce degré qu'après avoir franchi successivement les deux autres. Si seuls les saints l'atteignent, cela ne veut pas dire que nous n'y sommes pas tous appelés :
    Les forces sont données à tous pour atteindre un degré élevé de prière.
    Tout dépend de nous. Nous devons nous comporter sérieusement vis-à-vis de la prière, la considérant comme l'œuvre principale que Dieu nous ait confiée. Chez nous, elle n'occupe pas la place centrale, elle est quelque part de côté. Mais pour atteindre à la prière du cœur, il faut travailler.
      Le père Boris insistait sur le contrôle des paroles. Pour se souvenir de Dieu tout au long de la journée, il faut en premier lieu apprendre à garder sa langue de paroles inutiles, car celles-ci éloignent la pensée de Dieu: l'homme est alors tout à son bavardage. Il faut donc s'efforcer de ne parler qu'à propos de tâches concrètes:
    S'il y a quelque affaire, il faut essayer d'en parler en se retenant de tout verbiage creux, commérage et propos inutile. De telles paroles ne sont pas chrétiennes, car elles distraient de Dieu et rendent l'homme vide.
    Vous avez probablement remarqué qu'après avoir parlé pendant quelques heures avec quelqu'un, vous ressentez que votre âme est vidée. Vous vous sentez spirituellement épuisé. Mais si vous passez le temps dans le silence, concentré en vous, et ne parlez qu'à propos d'affaires concrètes, votre âme est remplie d'attendrissement.
    Si le père Boris poussait à l'effort, il incitait cependant à le faire avec mesure. Il avait repris sévèrement une femme qui lisait douze acathistes par jour. Il lui conseilla à la place de réciter trois Notre Père, le matin, au déjeuner et le soir.
    Cette femme revint plus tard en se plaignant de ne pas y arriver. Le père Boris lui répondit que si auparavant elle pouvait lire douze acathistes par jour, c'est que le diable l'y aidait.
    Il ne conseillait pas d'adopter de longues règles de prière. Il prévenait: « Sinon tu ne pourras la respecter et tu en souffriras.» Il répétait que ce n'est pas la quantité, mais la qualité qui importe. En revanche, il préconisait de recourir souvent à une courte prière:
    Au début, il faudra se forcer à réciter cette prière. Mais si nous nous obligeons à dire cette prière le plus souvent possible au cours de la journée, la mémoire de Dieu va s'enraciner dans notre âme.
    Alors, nous nous souviendrons souvent de Dieu pendant la journée. Et notre cœur répondra à nos pensées dirigées vers Dieu par des sentiments correspondants. Il sentira constamment la proximité de Dieu.
    Alors, de même qu'aucun insecte n'approche du chaudron dans lequel de l'eau bout, plus aucune pensée passionnelle n'atteindra notre cœur.


La rencontre avec Dieu.

L'austérité du père Boris était tempérée par son expérience de l'amour de Dieu. Il disait que, contrairement à toute joie terrestre, la joie de la communication avec Dieu est sans fin.
    Pour lui, chaque homme pouvait rencontrer le Christ dans la communion, la prière, la grâce ou la souffrance; ensuite tout dépendait de sa réaction:
    Les uns, lorsqu'ils rencontrent le Christ, se réjouissent, mais ensuite s'en écartent de nouveau et se laissent aller à leurs passions. Les autres passent à côté sans faire attention. Les troisièmes restent avec Lui pour toujours, car Il est plus précieux que tout.
    L'accomplissement des commandements permet de ressentir en nous la force du Christ ressuscité et de passer d'une foi fondée sur les témoignages à une foi fondée sur notre propre expérience.
    Parmi ces commandements, l'amour du prochain est essentiel, car c'est par lui que passe l'amour pour Dieu. Le père Boris répétait:
    Tu as vu ton prochain, tu as vu ton Sauveur.
    Sans cet amour, tout effort est vain:
    L'ascèse de celui qui a entrepris de vivre dans l'abstinence, mais qui n'aime pas les gens, qui est étranger à leurs peines et garde le cœur froid devant leurs souffrances, n'est pas salvatrice. Si un homme s'exerce à la prière, fait des efforts dans l'ascèse de la prière, mais passe devant le malheur et les souffrances d'un autre sans être touché, son effort n'en est pas un. C'est peu que de prier et de jeûner. La prière, le jeûne et l'effort spirituel, tout doit être imprégné d'amour pour les hommes. Il faut les aimer, les protéger, voir en chacun l'image de Dieu.
    Cela dit, l'amour pour le prochain est facilement illusoire:
    Les personnes sentimentales parlent sous l'impulsion de rêves subtils, mais ils ne lèveraient pas le petit doigt pour aider leur prochain. C'est un amour rêveur, un amour qui n'est pas actif. Le véritable amour doit être actif, alors l'homme souffre avec celui qui souffre et se réjouit avec celui qui se réjouit. Sans cette qualité, on observe un enthousiasme nerveux qui flatte la vaine gloire, tandis que dans la vie quotidienne il n'y a que froideur. Ce n'est qu'un héroïsme mensonger.
    Fidèle à l'enseignement du père Alexis Metchev, le père Boris disait que «l'amour véritable se manifeste dans la vie quotidienne, en commençant par la famille».
    Il parlait d'un amour compatissant qui rend capable non seulement d'imaginer les douleurs des autres, mais aussi de les ressentir véritablement. Amour qui a été celui du Christ «ontologiquement lié à toute l’humanité ». En effet, le Christ a vécu toutes les souffrances de l'humanité déchue jusqu'au tourment de l'abandon de Dieu.
    Celui qui aime ne s'efforce pas uniquement de trouver une issue à la souffrance d'autrui, mais il peut, par sa présence, lui faire sentir la richesse de sa vie spirituelle et lui apporter une vie nouvelle et des forces.
    Cette aide est possible grâce à l'existence d'une communication invisible entre les âmes, au-delà des paroles. Le contact avec des personnes porteuses de la grâce peut agir positivement sur l'âme, tandis que le contact avec des personnes remplies de passions produit un effet négatif. Nous recevons en premier lieu cette force de communiquer utilement avec les autres dans la communion par laquelle l'âme du Christ s'unit à la nôtre.

Référence
Irène Semenoff-Tian-Chansky(1999), “Témoins de la lumière”, Le sel de la terre, Cerf.